PHILOTHERAPIE

PHILOTHERAPIE : Article n°09 : « L’héritage empoisonné de la philosophie : Comprendre pourquoi elle nous apparait comme futile et inutile »

La philosophie dans la société actuelle pâti d’un héritage lourd. La pensée de M.Heidegger est malgré elle le lègue d’une partie cet héritage qui paralyse aujourd’hui la philosophie. Pour Heidegger la question de la philosophie est « Qu’est ce que l’être ? ». Il se propose de reprendre cette question et avant de dire ce qu’est l’être il convient pour lui de dire ce qu’il n’est pas. Il ne doit pas être confondu avec l’étant. Et il ne revient pas à l’homme, comme le pense Sartre de faire advenir l’être mais c’est l’être qui interpelle l’homme. L’être est le fondement du sujet et non pas l’inverse. De fait l’être est l’impensé de la philosophie. Même à son origine, dès l’antiquité grecque et notamment avec Platon et Aristote, l’être a été confondu avec l’étant. L’être selon Heidegger se donne dans l’étant en même temps qu’il s’en retire et est recouvert pas lui. Ceci nous permet de comprendre la confusion qu’il y a pu y avoir entre eux. Heidegger désigne ce double mouvement simultané de découvrement de l’être et de recouvrement par l’étant sous le terme grec d’alêthéia, qui signifie aussi « vérité ». La philosophie a donc été jusqu’à Heidegger l’oubli de l’être, de la vérité cachée sous les apparences. Et cet oubli de l’être dans l’étant trouve sa forme extrême selon lui dans la technique qui réalise le projet de Descartes de se rendre « maîtres et possesseurs de la nature ». Ainsi la technique pose l’étant comme un fond toujours disponible dans cet oubli de l’être. C’est-à-dire que la technique est l’oubli de ce à partir de quoi elle est elle-même possible ; l’être. Une double rupture s’effectue ainsi entre la philosophie et la société actuelle d’une part par la pensée heideggerienne et d’autre part par l’avènement de la technique qu’il convient pour le moment de définir comme l’ère de l’industrie. Dans sa quête de l’être véritable Heidegger eut à se livrer à une « destruction » de l’histoire de l’ontologie, qu’il appela plus tard métaphysique. Bien que cette destruction n’eut pas pour lui de sens négatif mais au contraire celui de redécouvrir de manière positive la question de l’être Heidegger a été interprété dans le sens d’une fin de la métaphysique. Cette interprétation a laissé une ambivalence dont la société a retenu la mauvaise part, le sens dénaturant de la pensée de Heidegger. La métaphysique est devenu échec et un échec monumental puisque c’est toute l’histoire de la philosophie qui se trouva mis en branle par la destruction de Heidegger. Dans le même temps la montée en puissance de la technique eut terminé d’achever le sort de la philosophie dans les esprits. Pour les individus, qui mieux que les philosophes savent de quoi ils parlent quand ils disent qu’avec la technique la métaphysique est morte ? Voilà l’héritage que nous possédons aujourd’hui en matière de philosophie. L’ère de la technique a évacué la métaphysique de la société en promettant un bonheur individuel matériel, cette acquisition incessante de biens dans une quête de liberté et de bonheur par l’entreprise de chacun contre tous : l’ère du capitalisme. Nous avons à présent deux éléments qui montrent toute la difficulté que représente la question de la philosophie dans la société actuelle. Mais il y en a un autre qui a toute son importance. Il s’agit d’un autre héritage, celui de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et de la libéralisation de l’Homme aussi appelée mondialisation. Ce second héritage permettant de comprendre l’état de la philosophie dans la société actuelle n’est pas sans lien avec la société capitaliste et matérialiste telle qu’elle vient d’être présentée. M.Foucault traite des conséquences de la Déclaration des droits de l’homme dans la société actuelle dans son premier tome de l’Histoire de la sexualité intitulé La volonté de savoir. Au XVIIe siècle s’opère un changement profond, la loi ne porte plus en elle le « glaive » mais bien plutôt la norme. D’où son concept de « société normalisatrice » se basant sur les « technologies de pouvoir ». La loi n’a plus pour essence et fonction d’autoriser et d’interdire de façon rigide mais elle étudie, elle apprécie, elle calcule, elle régule et elle contrôle les individus. Ses nouvelles fonctions portent sur le corps et l’usage qu’en fait la collectivité. Autrement dit il s’agit d’une étude de population, de savoir comment les individus se comportent ensemble, la manière dont ils usent de leurs libertés individuelles pour en extraire une norme qui sera exprimée par la suite sous forme de lois. À ce niveau, ce système est encore pertinent puisqu’il respecte la liberté de chacun et les régule sans les condamner fermement bien que des critiques puissent déjà être formulées de façon sérieuses. Ce qui est intéressant ici c’est la manière dont ce pouvoir de la collectivité sur la loi s’est retourné sur elle. Si la société a normé la loi, la loi est par la suite devenu normalisatrice. C’est-à-dire que les individus sont victime de leur propre liberté, d’une norme qu’ils ont crée librement et qui a sont tour régule et empêche leur liberté. Pour illustrer ce processus nous pouvons nous intéresser au domaine de la biologie. Au départ, la biologie était au service de la collectivité, elle faisait en sorte que chacun puisse jouir de la santé, des meilleurs soins, de la meilleure prévention pour que nous soyons libre de tout ennui de santé. Mais aujourd’hui et depuis quelques décennies nous voyons de plus en plus clairement qu’à son tour la biologie nous façonne, notamment en génétique où elle façonne les générations avenirs. La biologie devient ainsi une technologie de pouvoir parmi d’autres, parmi les influences qu’elle reçoit des autres et qu’à son tour elle exerce envers eux. Ces technologies de pouvoir sont aussi les administrations ou encore la politique. De fait, dans ce contexte sociale, la mondialisation ou libéralisation humaine pose davantage encore de difficultés. Car chacun se croit seul eu milieu d’un monde au dessus duquel il se dresse, au sommet des biens matériels qu’il possède et aspire à posséder. C’est ce que présente M.Horkheimer dans son Introduction à la Théorie critique de 1937. Horkheimer fait dans ce texte le diagnostique du problème profond de la société, celui de l’inscription de l’individu dans la collectivité, dans la société capitaliste. D’une part l’individu connait les raisons de son existence individuelle, pourquoi il vit, pour être heureux en acquérant des biens. Mais d’autres par, il est comme étranger au système dont il fait partie et auquel il participe même. Ce système, la société industrielle n’a pas su produire de totalités englobantes telles que celle que nous pouvions avoir avec la religion ou lors de guerres et qui permettaient aux individus de savoir pourquoi il vivait cette fois non pas simplement pour eux, leur raison, mais bien plutôt le sens de leur existence par rapport à la société. De fait il y a une contradiction avec un individu qui se sait important pour lui-même, par exemple qu’il n’est pas « n’importe qui » mais qui à la fois sait que sa vie est insignifiante au regard de l’ensemble de la collectivité, de tous ces autres qui finalement comme lui se croient au centre du monde mais qui en même temps sont négligeables.

Voilà le pauvre substrat, terrain de la philosophie à la fois instable et fertile. Il faut ainsi reconnaître une certaine richesse de potentiel dans certains de ces changements qui viennent d’être présentés. Le simple fait de pouvoir à ce point jouir de sa liberté individuelle est une avancé plus que conséquente au regard de l’histoire de l’humanité. Mais ceci à un prix, celui d’une plus grande responsabilité. Et c’est ce sur quoi se fonde en grande partie les pensées actuelles. Il est question de nous diriger vers une démocratie éclairée, c’est-à-dire une démocratie de la responsabilité. Nous avons de grandes possibilités, de grandes capacités de connaissances et d’actions mais qui ne sont pas à la mesure de nos capacités à prévoir et anticiper l’impact et la porté de ce pouvoir, c’est-à-dire à être responsable de ce que nous faisons aujourd’hui en vue des conséquences que cela pourra avoir. Il sera donc question d’exposer les risques auxquels nous avons aujourd’hui affaire que ce soit dans le domaine de la science, de l’art ou même encore de la politique.

L’héritage qui vient d’être présenté montre bien qu’il y a des changements qui ont été bénéfiques avant de se retourner sur eux-même jusqu’à devenir franchement négatif et néfaste. La philosophie a donc été paralysée et démembrée en tous sens, ce en quoi elle peut paraître inutile et désuette. Cependant, elle à sa place et est encore présente au cœur des plus grands enjeux de notre époque, ne lui manquant plus que le soutien et l’adhésion de tous pour être efficace, bénéfique et indispensable à tous les esprits. Pour appuyer davantage cet article, vous pouvez aussi consulter les références à d’autres de mes travaux qui illustrent et développent les points abordés dans l’analyse de cet héritage et la compréhension d’une telle dépréciation de la philosophie aujourd’hui.

À très bientôt pour le prochain article qui portera sur une nouvelle pratique de la philosophie, la « philothérapie ».

Philothérapie :

Article VIII : « La philosophie comme médecine »

Article VI : « Burka : la vérité cachée »

Philopure :

Commentaire : Horkheimer, Introduction à la théorie critique

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Commentaire : Spengler, Le déclin de l’occident.

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Dissertation : Peut-on réduire le vivant à une machine ?

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