PHILOPURE

Article de recherche : E. Cassirer et l’interprétation dynamique du monde des formes symboliques

Liste des abréviations :

EH pour Essai sur l’homme.

LSC pour Logique des sciences de la culture.

PFS pour Philosophie des formes symboliques, suivi de la tomaison.

SF pour Substance et fonction.

Introduction :

 Dès son apparition à l’antiquité grecque la philosophie se pose en s’opposant à l’art (Platon, République, X, 600e-608c). Platon fait le procès de l’art et le condamne, bannissant le poète de la cité. La philosophie nait donc d’une scission. En dépit des tentatives d’unification, la philosophie opère de très nombreuses et importantes divisions. Divisions avec l’art, les sciences ou encore la psychologie. La philosophie scinde aussi les objets qu’elle se donne à penser et à comprendre. Le monde, l’âme, le vivant et la matière sont ainsi divisés en parties et chacune d’elles constitue une multiplicité de divisions qui ordonnent et hiérarchisent le monde. Les différents penseurs de l’histoire de la philosophie opèrent aussi entre eux des divisions en formant des courants qui se posent en s’opposant les uns aux autres. L’idéalisme antique s’oppose aux sophistes, la pensée chrétienne rompt avec la philosophie antique, et l’âge d’or de la raison incarnée par la philosophie des Lumières ébranle cette même tradition chrétienne. Bien qu’il soit aussi possible d’y voir une certaine forme de continuité, ce jeu de ruptures dans l’histoire de la philosophie se poursuit ainsi jusqu’au dix-neuvième siècle avec l’affrontement de deux conceptions du monde, entre les sciences de la nature et les sciences humaines. Par là et en substance, la division cruciale et en apparence indépassable et celle entre le général et le particulier, le simple et le multiple, la théorie et l’expérience ou encore entre le sens et le sensible.

Bien qu’il semble jusque ici impossible d’opérer une herméneutique du monde qui soit une interprétation globale sans concurrence interne, Cassirer se donne alors pour tâche de fonder une science du monde qui non seulement en rendrait authentiquement compte, mais qui intégrerait aussi et dans le même temps les profondes discordances qui opposent et divisent les sciences de la nature et les sciences humaines. Le projet qu’entreprend Cassirer est d’envergure, c’est une ambition considérable voire colossale. Car le dessein d’une telle entreprise représente un tournant crucial pour toute l’histoire de l’herméneutique, celui de concilier le général et le particulier sans excepter aucun domaine de la connaissance.

Pour mieux comprendre la nature de ce bouleversement, on peut estimer que Cassirer est à l’herméneutique ce que fut Darwin pour la biologie. Si l’intuition darwinienne de la théorie de l’évolution trouve son terreau en géologie, en zoologie voire aussi en philosophie politique, l’intuition cassirérienne des sciences de la culture trouve la matière première de son herméneutique dans la science de son temps. Cassirer intègre les importantes avancées du dix-neuvième siècle, notamment en biologie, en histoire, en psychologie, en science du langage, en philosophie et en art. Sa démarche générale est celle de fonder une théorie de la connaissance qui intègre toutes les dimensions de l’homme, c’est-à-dire les mathématiques, la physique, la biologie, la psychologie, l’histoire mais aussi le mythe, l’art ou encore la religion. Et Cassirer concilie toutes ces dimensions, cette pluralité apparente propre au monde dans lequel se situe l’homme, sous le concept de culture. Ce monde de l’homme est par conséquent un monde compris comme fondamentalement culturel. Et la science véritable du monde en tant que tel est une science de la culture. Car la plus haute vérité objective à laquelle peut accéder l’homme est la forme de son propre agir (E. Cassirer, LSC, Troisième étude, Le concept dans les science de la nature et de la culture, p.175.), c’est-à-dire la forme symbolique.

Le problème de cette forme de l’agir, c’est qu’elle est multiple et très diverse. Il n’est pas question de la science d’une forme mais des sciences des formes symboliques. Si la difficulté de fonder une telle science est corrélée aux sciences de la nature elle concerne aussi et surtout les sciences humaines. Car si les sciences de la nature ont réussi à fonder leur propre socle épistémologique, ce qui est plus difficile est de trouver un régime d’objectivité propre aux sciences humaines. Comment fonder une scientificité propre au mythe, au langage ou encore à l’art, c’est-à-dire une objectivité authentique qui n’est pas celle attenante aux sciences de la nature ? Toute la difficulté est de dépasser le clivage profond entre les sciences de la nature et les sciences humaines. Pour cela, il faut aussi que cette logique des sciences de la cultures n’entrent pas en contradiction avec celle des sciences de la nature, car la question est aussi celle de dépasser cette opposition entre deux visions du monde qui semblent ne pas pouvoir être réconciliées. Pour le dire autrement, Cassirer a besoin, comme Archimède, d’un nouveau point d’appui pour soulever le monde (E. Cassirer, LSC, Fondation critique ou fondation herméneutique des sciences de la culture).

Pour dépasser cette opposition il faut à Cassirer élaborer une nouvelle logique propre et commune à ces sciences de la culture. Cette logique est dynamique et s’enracine dans le sensible même. Car c’est dans le sensible que se noue déjà l’acte de symbolisation, la résurgence des formes symboliques. Pour le comprendre et à dessein comprendre l’interprétation dynamique de Cassirer du monde des formes symboliques, c’est à partir de cette redéfinition du rapport entre le sens et le sensible que l’analyse de ce tournant herméneutique procédera dans la première partie qui portera sur l’homme comme « animal symbolique ». Car cette interprétation nouvelle du lien entre le sens et le sensible sera le point de départ d’importantes redéfinitions telle que celle de l’homme dont il s’agira de comprendre ce qui permet de le définir comme intrinsèquement signifiant, au niveau même de sa chaire. Le concept de « prégnance symbolique » sera donc le point de départ de cette nouvelle compréhension de l’homme. Examiné avec attention pour comprendre ce qui fait de l’homme avant tout un homme de culture, un homme symbolique, ce concept de prégnance symbolique sera d’autant plus central qu’il introduira une véritable phénoménologie de la perception de laquelle sera fondée une nouvelle théorie du langage.

C’est à partir de l’originalité de cette nouvelle phénoménologie de la perception que pourra être abordée la seconde partie de la compréhension de l’herméneutique cassirérienne ; le monde des formes symboliques . Corrélée à la question du langage, cette phénoménologie de la perception conduira à une définition fonctionnelle du concept dans le cadre des sciences de la culture. La fonction du concept consistera à relever cette forme ou mise en forme du monde. Et c’est dans le champs de l’art que sera abordée cette fonction symbolique dont le concept doit selon Cassirer se revêtir. En tant que mise en forme du monde, l’art conduira à comprendre comment le monde est un monde de surfaces dynamiques, sans arrière plan ou arrière monde, c’est-à-dire sans métaphysique. Tel est le projet de Cassirer pour dépasser les profondes rivalités des deux types de sciences de son époque afin de les conduire et de les élever aux sciences de la culture.

 Partie 1 : L’homme comme « animal symbolique » :

Définir l’homme comme un animal symbolique peut de prime abord paraître étonnant. Déjà faut-il noter que le symbole appartient au domaine de la culture, et que ce domaine est traditionnellement opposé à celui de la nature. Cette association immédiate entre nature et culture est à cet égard surprenante. Plus encore il est possible de s’interroger sur la nécessité d’une telle redéfinition de l’homme. Car il n’y a en apparence rien de nouveau ou d’original à dire que l’homme appartient au domaine de la culture.

Ce qui est nouveau en revanche, c’est que Cassirer fait de la culture un élément déterminant de ce qui définie et détermine l’homme, et même la pierre de touche d’une science propre à ce domaine et qui, de surcroit, intègre tout les champs de la connaissance. C’est ce qui le conduit à construire un soubassement solide à toutes ces sciences de la culture. Pour l’élaborer, il s’agit de comprendre comment tout phénomène se construit, « leur pure constitution phénoménale »(E. Cassirer, PSF, III, p. 229.). C’est une démarche kantienne que Cassirer adopte ici bien que la progression de cette démarche va le conduire à le dépasser et même l’élargir. Si les conditions d’apparition de tout phénomène sont établies, alors il sera possible de définir ce qui conditionne la nature de l’homme. Cassirer part donc de l’expérience sensible, cette nécessaire implication phénoménale de l’homme ou son « vécu de perception » (Cassirer, PFS, op.cit., p. 229.). Et c’est dès son analyse de la perception que Cassirer se détache du clivage entre sciences de la nature et sciences humaines pour les concilier. Car c’est au niveau de la perception que se joue un nouveau rapport entre le particulier et le général, à travers le concept de prégnance symbolique (Ibid., p. 229.). Cette prégnance symbolique indique qu’il y a signification, c’est-à-dire production de sens dès le niveau de la perception, dans le phénomène même. Il y a une articulation, une structure immanente au phénomène sensible. Pour Cassirer il n’y a pas de donné brut, il n’existe pas de phénomène sensible dépourvu de sens car le perçu est plus que la somme de ses parties, il n’est pas une simple somme de data bruts. En parlant d’« organisation immanente » (Ibid.) Cassirer indique aussi qu’il n’y a pas non plus quelque chose comme un après coup de la signification par rapport au sensible, parce qu’on ne peut pas dissocier ce qui est simultané. Ce qui est simultané c’est l’articulation entre le sens et le sensible, un entrelacement des deux, c’est-à-dire une relativité du phénomène particulier de la perception qui est donné ici et maintenant. Il n’y a pas de construction de sens par l’esprit postérieure à l’expérience du phénomène sensible. Tout se joue dans le phénomène même, dans cette activité synthétique qui vaut dès le stade de la perception. Ainsi percevoir c’est déjà percevoir du sens, une articulation et une structure du sens et du sensible. Ce concept de prégnance symbolique permet ainsi de développer l’immanence du sens dans les choses. Les choses ne sont donc pas simplement reçues mais produites par cette activité synthétique transcendantale que Cassirer reprend à Kant. Si bien que cet entrelacs entre le particulier et le général va devenir un entrelacs entre le singulier et la structure. Cela indique que c’est dès le niveau de la perception que se joue la possibilité d’une généralisation.

Cependant, il ne faut pas comprendre cette logique du phénomène au sens de Husserl (Ibid., p. 223. E. Husserl, Idées pour une phénoménologie pure.). Il n’y a pas d’intentionnalité dans la phénoménologie de Cassirer, il n’y a pas « d’actes conférant signification ou donateurs de sens, grâce auxquels un objet se représente à la conscience » (Ibid., p. 223.). Au contraire et comme cela a déjà été précisé, il y a immanence du sens dans la structure propre au phénomène. Le phénomène a une autonomie, une légalité structurelle immanente.

Si Cassirer est parti du transcendantal kantien, les conditions de possibilité de l’expérience sont à présent considérablement élargies dans cette phénoménologie. Il n’y a plus seulement un cadre transcendantal, des conditions de possibilité de l’expérience fixes, mais de véritables conditions de possibilité d’une activité phénoménale. Cassirer dynamise la fin transcendantale de Kant à travers cette légalité immanente au phénomène.

Il faut encore remarquer que cette autonomie phénoménale n’est pas à comprendre comme un vitalisme. S’il est question d’une force vitale ou d’une énergie qui circule par cette activité synthétique, il s’agit bien ici d’une phénoménologie, d’une philosophie de l’expression.

La question à présent est de comprendre quelle est la nature de la conscience humaine dans cette nouvelle phénoménologie de la perception. Si ce n’est pas la conscience humaine qui donne sens au objets mais qu’elle les reçoit déjà construit, il faut alors se demander comment se constitue la conscience et quelle en est la nature. Car à dessein ce qu’il s’agit de comprendre c’est en quoi l’homme est un animal symbolique.

Le premier élément qui permet cette affirmation est cette logique du sens immanente au phénomène. C’est un élément de taille puisqu’il indique qu’il y a du sens partout, dans tout phénomène puisqu’il y a une légalité immanente du phénomène productrice de sens, une signification du sensible. Par là, le corps, la chaire même de l’homme a du sens. Le corps est donc un lieu de symbolisation, de production de sens. C’est ce qui explique aussi pourquoi Cassirer parle de l’homme comme d’un « animal » symbolique, parce que sa nature la plus primaire, son corps, est déjà un lieu de symbolisation. Dès lors il est possible de s’intéresser à la nature de l’esprit de l’homme, à savoir, s’il y a là aussi signification.

Cassirer parle d’éveil à la conscience symbolique (E. Cassirer, PFS, I, p. 49.). Le sensible a une fonction de sens avec l’esprit humain. Il y a par là un éveil de l’homme à la conscience symbolique par la perception sensible, ce que Cassirer nomme la « symbolique « naturelle » »(Cassirer, PFS, op. cit., p. 49.). Dans la formation de cette conscience symbolique, le sensible est un point d’appui au signe, à ce qui fait sens. Chacun des signes, c’est-à-dire des unités de sens de la conscience font échos les uns aux autres et deviennent des formations de l’esprits. Mais le sensible n’en reste pas pour autant un simple support. Le sensible a une fonction de sens aussi pour l’esprit, une symbolisation de la conscience car il devient le mode d’expression de ces formations de sens de l’esprit humain. L’esprit a besoin de sons, de couleur ou encore de matière pour exprimer les contenus de sens qu’il tire lui-même du sensible par la perception. C’est que Cassirer appelle « la double nature spécifique de ces formations : à la fois leur appartenance au sensible et la liberté qu’elle implique à l’égard du sensible » (Ibid, p. 49.). Cette liberté concerne l’élaboration de ces formations par combinaisons de signes. Si le signe est lié au sensible, les combinaisons qu’opère l’esprit à partir d’eux, ces formations nouvelles, se détachent de ce support sensible initial. C’est en cela qu’il y a liberté, en cette capacité que possède l’esprit de créer un sens abstrait. Néanmoins ce détachement n’est pas la fin de cette symbolisation de la conscience. Ces formations ne restent jamais enfermées dans l’esprit mais sont exprimées. En art, l’idée de liberté doit être figurée par une apparence sensible ou bien encore en géométrie une ligne a à être tracée. Ces formations de signes que représente le langage ne peuvent pas ne pas être exprimées de façon sensible par des sons ou des mots imprimés. « Dans chaque « signe » linguistique, dans chaque « image » mythique ou artistique apparaît un contenu spirituel qui, en lui-même, renvoie au-delà de tout sensible, mais qui est transporté dans une forme sensible, visible, audible ou tactile. » (Ibid., p. 50.). Ce que Cassirer ajoute ici, c’est que même le sens le plus coupé du sensible, une abstraction de sens universelle tel qu’un concept, qui par là « renvoie au-delà de tout sensible », n’en demeure pas moins inscrit dans le sensible pour être exprimé comme tel. Le langage est à cet égard une approche intéressante. Il est question d’exprimer un sens non sensible, par exemple un être tout-puissant à travers une représentation sensible particulière que serait un mot, par exemple « Dieu ». Le sensible participe donc activement à la symbolisation de l’esprit humain.

Pour autant il ne faut pas penser que tout dépend du sensible. La signification dans cet exemple du mot « Dieu » n’est plus entièrement dépendant des signes initiaux qui ont permis sont apparition. Par ce processus, par cette liberté de combinaison, la conscience « crée au contraire pour elle-même certains contenus concrets et sensible afin d’exprimer certains réseaux de signification » (Ibid.). C’est-à-dire que la conscience de l’homme est naturellement amenée à produire du sens à partir du sensible et surtout à produire de nouveaux contenus de sens par sa liberté d’association des signes. Ces « réseaux » de sens fondent et forment sa conscience, une conscience symbolique au sens ou c’est une conscience qui elle aussi produit du sens. Cette conscience est donc doublement symbolique parce qu’elle est informée symboliquement et qu’elle produit ou « crée » aussi du sens. Alors « surgit un mode de construction autonome, une activité spécifique de la conscience qui se distingue de toute donnée de la sensation ou de la perception immédiate et qui utilise néanmoins cette donnée comme support, comme moyen d’expression. » (Ibid.).

Cette fonction immanente de sens par le sensible est la raison pour laquelle le langage est directement corrélée au concept de prégnance symbolique. Parce qu’à partir du sens présent dans l’activité synthétique du sensible, la libre activité d’association de l’esprit humain produit des formations de sens qui, par ce processus d’association deviennent abstraites, détachées des supports sensibles initiaux. Mais l’expression de ces nouveaux contenus de sens reprennent racine dans le sensible « comme support, comme moyen d’expression », notamment dans le langage.

Cet éveil de la conscience symbolique consistant à produire de nouveaux contenus de sens qui reprennent aussitôt racine dans le sensible, alors « surgit un mode de construction autonome, une activité spécifique de la conscience » (Ibid.) c’est-à-dire le langage. Le langage représente donc une fonction de sens, il met en relation les signes contenus dans les données immédiates de la perception pour former de nouveaux contenus de sens et les exprimer par de nouveaux supports sensibles, les mots sous forme de sons.

Chez Cassirer, le langage devient donc une philosophie de l’expression, une expression de sens d’abord ancrée dans le phénomène même et transformée et crée par l’esprit humain. Il y a par là une mise en forme par l’esprit qui consiste à construire un sens nouveau, un nouveau contenu de signification, et à l’exprimer. Il est même possible dans cette analyse du langage de parler de philosophie de la relation car le langage a une fonction de relation entre le sens et le sensible. L’homme se définit donc bien comme un animal symbolique, parce que son monde est un monde de sens au sein duquel son corps même, son animalité, est compris comme le lieu d’une symbolisation. Et son esprit est aussi un lieu de symbolisation, mais elle diffère de celle de son corps en cela que son esprit est le lieu d’une symbolisation qui est une mise en relation par le langage. À y regarder de plus près, ce qui commence déjà à se jouer ici et même au niveau de la légalité immanente au phénomène, c’est la possibilité d’une généralisation à partir du particulier, ce rapport entre le singulier et la forme.

 Partie 2 : Le monde des formes symboliques :

Dans cette fonction de relation du langage, la généralisation à partir du phénomène particulier consiste en cette liberté de l’esprit à associer des signes pour produire des formations de sens. Cette production abstraite de sens par le langage est ce sur quoi se fonde la connaissance du monde, le concept. Le concept est une généralisation, au sens où il relève ou exprime la façon dont le monde se forme. « La comparaison des choses et leur regroupement d’après des indices concordants expriment un processus qui trouve sa traduction immédiate dans le langage et qui, bien loin de conduire à l’indétermination, aboutit, s’il est rigoureusement mené, à l’établissement des concepts inhérents à l’être même du réel. » (E. Cassirer, SF, 1, La théorie de la conceptualisation, p. 18.). C’est à partir de cette mise en relation, de cette fonction de symbolisation du langage que le langage devient une mise en forme du monde, une compréhension conceptuelle du lien entre le général et le particulier. Le concept a donc une fonction d’expression de la mise en forme du monde à partir de la multiplicité des phénomènes particuliers. Et Cassirer va critiquer ce manque de « rigueur » dans la généralisation des concepts des sciences qui « se dispute aujourd’hui encore la suprématie dans l’épistémologie des sciences modernes » (E. Cassirer, LSC, Troisième étude, Le concept dans les sciences de la nature, p. 142.). « Science de la nature, histoire et psychologie » (Cassirer, LSC, op. cit., p. 142.) prétendent toutes à une véritable science du monde, à établir ce lien entre le particulier et le général. Or et c’est ce que critique Cassirer, les concepts attenants à ces sciences élaborent des descriptions pertinentes mais qui ne prennent pas en compte l’activité transcendantale du phénomène, son dynamisme immanent. En d’autres termes, « le problème que nous pose une telle description ne réside pas dans le contenu même de ces concepts mais dans la synthèse qui nous permet de les embrasser idéellement, de les unir en un nouveau tout sui generis. » (Ibid,. p.143.). C’est-à-dire que les concepts de ces sciences ne prennent pas en compte le dynamisme propre aux phénomènes singuliers.

Ainsi, si les concepts de la science du dix-neuvième siècle sont impropre à exprimer « l’être du réel » ( Cassirer, SF, op. cit., p. 18.), la vérité la plus haute à laquelle doit prétendre une science, il faut alors établir un concept qui établit une véritable mise en forme du monde, qui rend authentiquement compte de ce qu’est le monde, sa forme propre. Par là, il faut redéfinir le concept et donc fonder une nouvelle science. Et cette redéfinition du concept même implique « l’identité de cette relation génératrice, maintenue envers et contre tous les changements affectant les contenus particuliers, qui constitue la forme spécifique du concept » (Ibid., p. 27.). La forme propre au concept doit donc être la forme générale des phénomènes particuliers. Ces phénomènes particuliers ayant déjà une fonctions de symbolisation, de production de sens, « l’identité de cette relation génératrice » de signification doit elle aussi produire une synthèse déjà indiquée ou signifiée au stade de la perception par le concept de prégnance symbolique. La fonction du concept est donc de relever cette synthèse qui s’opère dans le monde, cette mise en forme. C’est-à-dire que le concept doit indiquer que le monde est plus que la somme de tous les phénomènes particuliers qui le compose. C’est pourquoi « la tâche qui incombe à la théorie logique face à un concept donné consiste, précisément, à analyser ces fonctions, à en dévoiler le caractère spécifique et à en dévoiler les articulations formelles ». (Ibid., p. 28.). Voilà donc la fonction de médiation du langage pleinement exprimée. Si le langage met en relation les signes portés par le sensible pour produire de nouveaux contenus de signification sur un nouveau support sensible, il possède aussi, à travers la fonction du concept, une autre fin médiatrice. Cette autre fin est différente de celle consistant à produire des concepts capables de relever la structure immanente non plus aux phénomènes particuliers mais la structure ou plutôt la forme immanente au monde lui-même, au monde des phénomènes comme formes symboliques. Le langage consiste à relever mais aussi à produire ces formes symboliques du monde.

Si Cassirer a développé la nature des « formes symboliques », en raison de cette imbrication ou de cette relation entre le phénomène particulier et son activité de symbolisation voire la mise en forme générale qui en surgit, il faut encore en comprendre la formation. La forme générale des phénomènes est en cela déjà symbolique puisque la structure interne du phénomène l’est elle aussi de nature symbolique. Mais il faut aller plus avant dans la compréhension de ce monde des formes symboliques. Si la fonction symbolique du langage est de relever ces formes, il reste à comprendre comment le langage peut aussi générer ces formes.

Le langage n’est pas seulement ce que produit l’esprit ou la culture parce que cette activité synthétique relevée dans le phénomène se joue aussi au niveau du langage. Bien au contraire le langage est le lieu où se produit l’esprit et la culture. L’éveil à la conscience symbolique faisait déjà signe vers cette double nature du langage, celle d’exprimer les formes symboliques immanentes aux phénomènes mais aussi celle de produire elle-même des formes de façon autonome. Ce qu’il faut préciser et qui est capital pour comprendre ces formations symboliques, c’est que chacune d’entre elles permet une connaissance du réel en tant que vérité. Et puisqu’il y a une pluralité de formes, il y a une pluralité de modes de connaissances. Il y a un mode de connaissance de la réalité propre à la science, au mythe, à l’art ou encore au langage. En d’autres termes il n’y a pas un mode de connaissance mais un réseaux de formations symboliques qui produisent des modes de connaissance de la réalité qui leur est propre. C’est pourquoi il n’y a pas une science mais des sciences de la culture.

F. Léger, La lecture, 1924 (Musée F. Léger de Biot (06))

Ce qui est être intéressant dans l’analyse de ces formes symboliques c’est l’idée de transposition. Si Cassirer adopte une démarche kantienne pour fonder sa phénoménologie de la perception, il s’appuie aussi sur l’invention goethéenne de l’idée de morphologie (J. W. Von Goethe, Loi des métamorphoses, 1827). La morphologie de Goethe consiste à élaborer des filiations par exemple pour glisser du champs de la botanique au champs de la culture. En ce sens ce glissement est une transposition, d’une loi des ressemblances. Ce qui est important c’est de trouver des éléments communs entre des phénomènes tout en conservant leurs différences fondamentales. C’est d’ailleurs ce que Cassirer reproche aux concepts des mathématiques, de ne pas conserver les particularités individuelles en opérant une abstraction conceptuelle (Cassirer, SF, op. cit., p.23).

C’est donc cette idée de filiation ou de transposition qu’intègre Cassirer dans sa philosophie des formes symboliques notamment en art dans sa réinterprétation de Wölfflin. « Si différent que soit le substrat morphologique de chaque style, c’est à juste titre que l’on considère généralement que toutes les périodes primitives et toutes les périodes tardives présentent des caractéristiques communes » (H. Wölfflin, Réflexions sur l’histoire de l’art, Sur l’évolution de la forme, p.35). Comme exemple de filiation, le concept de style en art est une transposition voire même une réponse dans le champs des sciences de la culture à ce qui est une chose dans le concept des sciences. La science vise une détermination quand la perception vise une estimation. Et pour le dire de façon générale, ce qui fait de la culture un tout unifiant c’est qu’il y a un agir commun, un passage selon Cassirer du moi au toi par le ça. Et le « ça » est l’expression objective d’une symbolisation, par exemple un mot ou une œuvre d’art.


Pour comprendre la résurgence des formes symbolique, l’art est donc intéressant, en tant qu’il opère une mise en forme du monde. Pour Cassirer et selon sa phénoménologie de la perception, la beauté est un phénomène primitif au sens où il n’y a pas de réification entre le beau et le sensible et donc, il n’y a pas de substance ou d’idée platonicienne du beau. En art le beau et le sensible ne font qu’un, comme le sens et le sensible ne font qu’un dans sa phénoménologie de la perception. De ce fait ce qu’il faut dégager selon Cassirer c’est la spontanéité créatrice. Cassirer réinterprète Wölfflin en rendant transcendantal ce qui chez Wölfflin est psychologique. « Wölfflin visait une histoire de l’art méritant le nom de Kunstwissenschaft, de science de l’art, au sens d’une science rigoureuse » (M. Van Vliet, E. Cassirer et l’art comme forme symbolique, Presses Universitaires de Rennes, Wölfflin, Cassirer et Ponatovski, p.55). C’est-à-dire qu’il rend dynamique la pensée de Wölfflin, qu’il extrait sa morphologie de l’histoire de l’art pour l’intégrer à sa philosophie des formes symboliques. Pour le dire autrement, Cassirer rend Wölfflin plus kantien qu’il ne l’est vraiment car ce qui pour Wölfflin structure la forme est d’ordre psychologique alors que pour Cassirer il s’agit d’une pure logique de la perception.

Toutefois, ce qui intéresse Cassirer chez Wölfflin c’est que l’art n’a pas pour fonction de reproduire le monde dans sa réalité, « le travail créateur de l’artiste ne saurait être comparé à un reflet » (Wölfflin, Réflexions sur l’histoire de l’art, op.cit., p. 47.). L’art vise bien plutôt quelque chose comme une reconstruction. Comme pour le langage, l’art possède une autonomie,une spécificité propre à son évolution. Et Wölfflin établie une définition de l’art autonome, qui se donne ses propres lois et qui se limite au visuel. « S’adressant à l’oeil, les arts plastiques ont des conditions et des lois d’existence qui leur sont particulières » (Ibid., p. 47.). Ces « conditions » et « lois d’existence qui leur sont particulières » confèrent à l’art son autonomie, c’est-à-dire qu’il se donne lui-même ses propres lois, qu’il possède en lui ses propres conditions d’évolution. Et il s’adresse à un œil qui n’est pas celui de la physiologie ni celui des psychologues scientifiques. De quel œil s’agit-il ? Il s’agit d’un œil qui est justement capable de voir cette évolution interne, cette morphologie de l’art à travers ses objectivations symboliques qui ne sont autres que les œuvres d’art elles-mêmes, aussi appelé par Wölfflin « appareil de l’expression » (Ibid.). Il ne s’agit pas d’une vision des choses telles qu’elles sont car l’art n’a pas pour fonction de reproduire fidèlement le monde. L’histoire de l’art est donc interprétée comme l’évolution de sa forme dans le temps. Et c’est ceci qui intéresse Cassirer, car à travers Wölfflin il va pour ainsi dire pouvoir historiciser le transcendantal kantien. Les formes symboliques cassirérienne ne sont pas fixes mais dynamiques en cela qu’elles possèdent une évolution interne, une autonomie. Pour Cassirer la beauté n’est pas la seule fin de l’art. Déjà, le beau est un effet secondaire, au sens où il fait partie de cette dynamique du phénomène entre le sensible et le sens, ici le sens étant le beau. Le beau n’est pas la véritable fin de l’art et Cassirer se réfère à nouveau à Goethe à ce sujet (E. Cassirer, EH, 1, L’art, p. 201.) lorsque celui-ci affirme que « l’art est formateur avant que d’être beau » (Cassirer, EH, op.cit., Goethe, « Von deutscher Baukunst », Werke, XXXVII, 148 sq.). Chez Cassirer cette vocation formatrice première de l’art s’explique par la nature formatrice et créatrice de l’homme comme animal symbolique.

À présent, la question est de savoir ce que forme l’art. Pour Cassirer l’art est une mise en forme du monde, il en produit une vision objective qui n’est donc pas celle de la science, ni même celle de la religion ou encore celle du mythe. Car l’art a sa propre évolution, il est autonome et il est même profondément exploratoire. L’art est exploratoire au sens où il permet de connaître le monde sur un autre mode que la science. Pour Cassirer, « le langage et la science sont des abréviations du réel ; l’art est une intensification du réel. Langage et science se fondent sur un seul et même procès d’abstraction ; on peut décrire l’art comme un procès continu de concrétisation. » (Cassirer, EH, op. cit., p. 205.). Ce processus de concrétisation à l’oeuvre dans l’art est important au sens où il fait échos à l’idée de cristallisation goethéenne (Ibid. p. 209.) impliquant une forme d’intensification. Cette intensification est l’oeuvre d’un mouvement directement issu de cette liberté propre à l’autonomie symbolique de l’art. Par là, il est non seulement possible de comprendre comme une forme peut apparaître mais aussi comme elle peut disparaître. Une forme disparaît lorsque son évolution, c’est-à-dire le libre mouvement de sa forme se fige. Cette fixité est pour une forme artistique un gage de mort en cela que son activité synthétique cesse. La forme ne rend alors plus compte de cette enquête de l’esprit pour explorer le monde et il faut à l’esprit chercher à dépasser ce cadre fixe pour retrouver sa liberté et son activité formatrice d’artiste. C’est un mode de connaissance de ce qui fait qu’une culture apparaît ou disparaît en ce qui concerne le domaine de l’art.

Aussi, il ne faut pas conférer à l’art un mystère ou une quelconque transcendance. Une telle attribution ébranlerait le caractère objectif de l’art par un insondable idéalisme platonicien du beau, un esprit absolu (G. W. F. Hegel, Esthétique, I, II.) ou un Infini métaphysique tel que celui de Schelling. Non seulement il n’y a rien de tel mais de plus Cassirer s’en réfère à Goethe qui « n’hésitait pas à dire que l’art ne prétend pas montrer la profondeur métaphysique des choses ; il se contente de rester à la surface des phénomènes naturels » (Cassirer, EH, op.cit., p. 223.), et Cassirer ajoute au sujet de cette surface que « nous ne la connaissons pas avant de la découvrir dans les œuvres des grands artistes » (Ibid., p. 223). En ce sens il n’est pas question de laisser de côté la singularité des œuvres. Bien au contraire les œuvres sont nécessaires à la connaissance de la forme, sa liberté, son mouvement si ce n’est son activité synthétique de symbolisation. Il n’y a donc pas d’arrière monde mais seulement des surfaces d’une immense richesse symbolique. Au lieu de chercher du côté d’un quelconque mystère ou d’une quelconque profondeur il faut à l’inverse parvenir à découper dans la multiplicité des surfaces de ces formes. Cassirer emprunte (Cassirer, LSC,Quatrième étude, Le problème de la forme et le problème de la cause, op. cit., p.191) à Goethe une image pertinente qui compare ces hommes qui cherches un sens métaphysique au-delà des surfaces « aux enfants qui, après avoir regardé dans un miroir, le retourne aussitôt pour voir ce qu’il y a derrière. » (Ibid., p. 191, Goethe à Eckermann, 18 février 1829. Trad. Jean Chuzeville, Conversations de Goethe avec Eckermann, NRF, 1988, p. 277-278.). Ces formes pertinentes sont ces surfaces qui se construisent à partir ou dans cette phénoménologie de la perception. Ainsi c’est dans ces surfaces que sont décelées les filiations entre les phénomènes, les cristallisant ensuite en tant que forme par la création artistique. C’est en ce sens que l’interprétation cassirérienne du monde est celle des formes symboliques, dont la caractéristique structurale est de ne pas être figée mais d’être bien au contraire dynamique, c’est-à-dire en mouvement, libre et donc, autonome.

 Conclusion :

L’herméneutique de Cassirer représente donc bien un tournant capital en ce qu’elle comprend le monde selon une phénoménologie dynamique qui se joue dès le stade de la perception et qui génère des formes qui ont une évolution, c’est-à-dire un mouvement autonome, et une durée, une histoire. En cela un régime d’objectivité est fondé pour les sciences humaines, l’art, le mythe ou encore l’histoire par un élargissement et une dynamisation du transcendantal kantien. Et dans cette nouvelle logique des sciences de la culture l’homme peut être connu et compris comme fondamentalement culturel. Son expérience phénoménale ou sa perception lui permet de créer des mode d’expression de signification, de générer des formations symboliques tel que l’art. L’homme peut donc être connu et reconnu comme animal symbolique non seulement par son éveil à la conscience symbolique mais jusque dans sa chaire qui est aussi un lieu de symbolisation. Ainsi, son agir, ses productions sensibles témoignent d’une dynamique de symbolisation à l’oeuvre dès le stade de la perception, une dynamique qui traduit un mouvement autonome générateur de formes symbolique.

L’opposition entre les deux visions du mondes que représentaient les sciences de la nature et les sciences humaines est par conséquent dépassée car réintégrée dans la formalisation symbolique de Cassirer. La science, l’art, le mythe ou encore l’histoire sont des modes de connaissance possédant chacun leur pertinence, leur autonomie, leur logique et donc leur objectivité. Les sciences de la nature ni aucune autre n’a donc de suprématie épistémologique puisque toute obéissent à une même logique, celle de la culture et des formes symboliques qui la constitue et que chaque domaine de savoir représente.

Si la philosophie des formes symboliques cassirérienne représente un tournant majeur pour l’histoire de l’herméneutique, il est aussi possible d’observer l’impacte que ses travaux ont eu par la suite. Avant Cassirer, cette idée qu’il pouvait y avoir des points communs et même des formes communes à toute culture n’étaient pas admise comme elle peut l’être aujourd’hui. Bien au contraire les cultures étaient hiérarchisées et il n’existait pas de sciences propres à la culture mais des disciplines telles que l’histoire, la sociologie, l’esthétique etc. qui tendaient chacune à imiter l’objectivité de la science, sans succès et en vain puisque l’objectivité scientifique n’est pas propre à s’étendre à d’autres domaines que celui qu’elle s’est elle-même déterminée.

Plus encore et à la suite de Cassirer, C. Lévi-Strauss, anthropologue et philosophe contemporain a poursuivit cette démarche cassirérienne d’un savoir commun à toutes les cultures avec le structuralisme. Le structuralisme consiste à établir une structure commune à toutes les cultures. Plus encore Lévi-Strauss a traversé des cultures multiples et variées, affinant et innovant cette base cassirérienne, précisant aussi et notamment une nouvelle théorie du langage et de la traduction.

Si Lévi-Strauss a comme sublimé l’oeuvre de Cassirer, il n’en demeure pas moins que ce dernier reste un philosophe de premier plan. Car lorsqu’il est question d’éprouver les travaux de Lévi-Strauss, Cassirer est et reste un auteur de référence. Car l’une des principales critiques adressées au structuralisme de Lévi-Strauss est un certain affaiblissement de la dimension dynamique justement mise au premier plan dans la philosophie des formes symbolique de Cassirer. Il est fort possible si ce n’est évident que dans les travaux de recherches à venir, Cassirer deviennent à son tour la pierre de touche de toute entreprise investissant de près comme de loin les domaines de la culture.

Ernst Cassirer


Bibliographie :

Cassirer, Ernst, Essai sur l’homme, trad. Norbert Massa, Paris, Minuit, 1975.

Cassirer, Ernst, Logique des sciences de la culture, trad. Jean Carro et Joël Gaubert, Paris, Cerf, 1991.

Cassirer, Ernst, La Philosophie des formes symboliques (1923), Paris, Éditions de Minuit, 1972. T. I : Le langage.

Cassirer, Ernst, La Philosophie des formes symboliques(1925), Paris, Éditions de Minuit, 1972. t. II : La pensée mythique.

Cassirer, Ernst, La Philosophie des formes symboliques (1929), Paris, Éditions de Minuit, 1972. t. III : La phénoménologie de la connaissance.

Cassirer, Ernst, Substance et Fonction, trad. Pierre Caussat. Paris, Minuit, 1977.

Wölfflin, Heinrich, Réflexions sur l’histoire de l’art, Oaris, Champs Flammarion n°632, 1997.

Van Vliet, Muriel, Ernst Cassirer et l’art comme forme symbolique, Presses Universitaires de Rennes, 2010.

Une réflexion sur “Article de recherche : E. Cassirer et l’interprétation dynamique du monde des formes symboliques

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