PHILOTHERAPIE

Philothérapie : Article n°03 : L’éducation de l'(ho)erreur : Supression de l’histoire-géographie en terminale scientifique

Comment bien penser ? C’est une question qui finalement est un problème central de la démarche de chacun dans l’exercice critique. Qu’est ce que bien penser ? Dans un premier temps il s’agit de savoir de quoi nous parlons, c’est-à-dire d’être suffisamment renseigné sur le sujet de notre réflexion. Ensuite, il faut se demander ce qui nous est dit, c’est-à-dire le sens de ce que l’objet de critique cache ou dit implicitement. C’est alors qu’il faut analyser la légitimité de ce sur quoi se base ce qui est affirmé. Suite à l’analyse, il est possible de savoir si ce qui est affirmé est juste, morale ou encore possible. C’est ce que je vais faire dans cet article concernant la suppression de l’enseignement de l’histoire-géographie dans les classes de terminales scientifiques.

Commençons par analyser l’objet de notre réflexion. L’enseignement de l’histoire-géographie fait partie de l’éducation. Éduquer vient du latin edicatio, de ducere, et signifit tirer à soi, mener ou encore conduire. Éduquer c’est effectuer un travail sur les facultés humaines pour les renforcer et les améliorer. Supprimer l’enseignement de l’histoire-géographie revient donc à réduire ce développement. Vers quoi nous mène-t-on alors ? Si éduquer c’est « tirer à soi », il nous faut savoir dans quelle stratégie se situe l’état. L’éducation est aussi ce qui s’accompagne de la pédagogie qui en est la stratégie instrumentale et politique. La stratégie politique est donc ce vers quoi nous devons nous intéresser. Et quelle que soit la couleur politique elle est généralement celle de tendre vers une « amélioration humaine ». Si vous avez lu mon article « Peut-on réduire le vivant à une machine » et/ou celui des bio-pouvoir de Foucault dans la rubrique « Philopure », vous n’êtes pas sans savoir que l’amélioration de nos conditions de vie est au centre des stratégies politico-sociales actuelles. Vous savez donc aussi sur quoi se base cette stratégie : à la fois sur cette quête de bonheur et sur un cercle vicieux. La science est dans l’erreur. Nous l’avons bien analyser, la science se base sur une vision du vivant qui ne permet pas de garantie de préservation de notre bien-être dans la démarche même de l’amélioration de nos conditions d’existence. Et la métaphysique de la philosophie est ce qui permet de corriger cette erreur, principalement celle de rationaliser la temps, de le détruire par des conceptions spatiales de la durée. L’enjeu était donc l’avenir même de l’humanité et de tout ce qui existe de vivant. Rappelons-nous de ces questions : « L’Homme est-il en mesure de supplanter la nature ? Notre liberté de tendre au bonheur ne se réduit-elle qu’à notre intelligence notre esprit ? La nature ne peut-elle être qu’humaine ? ». Nous avions bien vu que non. Nos conceptions du monde ne peuvent pas englober le monde vivant. La vie est libre en elle-même car elle possède la durée, ce que nous ne pouvons saisir dans nos conceptions scientifiques actuelles, ce que nous pouvons aussi appeler esprit. La vie a de l’esprit en ce sens où elle possède sa durée, son existence propre que lui confère la nature. Et cela s’illustre aisément avec les problèmes climatiques planétaires que nous constatons aujourd’hui. Notre système « humain » n’est pas compatible avec celui de la nature : il ne peut l’englober, la saisir intégralement, la maîtriser.
Alors en quoi l’éducation a-t-elle un rôle dans ce vaste enjeu ? Tournons-nous vers l’article concernant Michel Foucault. Cet article montre en quoi le pouvoir est celui de tendre vers le bonheur, un bonheur d’existence. C’est un pouvoir qui nous laisse libre, libre de tendre vers ce qui nous rend heureux et qui en tire des normes rédigées en lois. Nous sommes donc normés et notre façon d’agir librement par rapport à ces normes-lois participe encore d’elles. Nous n’échappons donc pas à ce pouvoir, ce bio-pouvoir. Car tant bien même que nous le refuserions, nous participerions toujours d’une norme. Par exemple, la mode est la liberté de s’habiller comme on le souhaite. Il est donc « normal » de s’habiller de telle ou telle manière même s’il y a indécence, ou même si les vêtement sont vendus à des prix exorbitant. Nous produisons une norme mais qui ensuite vient nous normé puisque ne pas être dans la norme c’est ne pas être intégré à une classe, un groupe etc. Nous sommes donc victime de notre liberté et de celle des autres. Mais à un autre niveau, celui de l’éducation, ce processus prend un tout autre visage. Car autour de cette normalisation s’est mis en place ce que Foucault appelle des « technologies de pouvoir ». Ces technologies sont là pour tirer les lois normatives à partir d’une étude de population et possède en même temps un pouvoir puisqu’il normalise. Ainsi, est-il normal de ne pas enseigner l’histoire et la géographie ? Nous ne savons pas vraiment même si nous avons plutôt une intuition négative à ce sujet. Si nous revenons à notre erreur de la science, nous pouvons voir que pour la comprendre il faut philosopher. Mais la philosophie n’est pas une discipline « indépendante ». Elle se fonde et se nourrit de tout ce que l’Homme touche et fait. L’Homme pense, il crée, se projette, revient en arrière. La philosophie est celle de l’art, des sciences, de la politique, de la morale, la justice, de la méthode de savoir, de l’histoire et même d’elle -même. On ne peut philosopher sans ces domaines, elle a besoin de ces domaines et c’est aussi pourquoi je dénonce en mon nom propre non seulement cette suppression de l’histoire-géographie en terminale mais aussi cette stratégie de standardisation de nos conditions d’existence, cette réduction de nos vie à un bonheur douteux, incertain et qui ne se justifie que par lui-même. De quel bonheur parle-t-on finalement ? La réponse est simple et tristement évidente. Il s’agit de « bio-pouvoir », d’un bonheur du corps, d’une amélioration de conditions matérielles pour notre existence dans le bien-être.
Le bonheur n’est-il que celui du corps ? Nous savons bien que non mais cette stratégie de pouvoir semble œuvrer à briser cette évidence. On rassure, on montre la culture comme pour dire qu’il n’y a pas besoin d’avoir à s’en saisir, à apprendre. Elle est là, même sans nous. L’histoire aux historiens, la science au scientifiques ou encore la philosophie aux philosophes. Plus largement, on laisse la science aux savants. Mais n’oublions pas que nous sommes tous acteurs et décideurs de notre avenir. Nous avons tous un droit de vote égal pour décider. Mais nous n’avons pas tous les mêmes connaissances, les mêmes savoirs, les mêmes conscience de ce qui peut nous rendre heureux. Nous savons bien que ce que j’appelle « savant » est minoritaire dans notre société, ce que nous appelons aussi « élite ». Le pouvoir revient donc majoritairement à ceux à qui on laisse penser que le bonheur est celui de nos conditions matérielles d’existence. Mais nous avons vu dans les deux articles que j’ai déjà cité que cette démarche contient à le fois sa puissance et son impuissance. Sa puissance puisque nous tendons vers une certaine forme d’amélioration qui en soi n’est pas forcément négative puisqu’il n’y a a priori rien d’illégitime à tendre vers le bonheur, et son impuissance puisque nous courrons aussi vers le risque d’un mal-être, avec l’exemple de discrimination par l’ADN, des dérèglements climatiques (Cf. Peut-on réduire le vivant à une machine), une liberté réduite à des normes, un bonheur illusoire et instrumentalisant (Cf. Foucault et les bio-pouvoir).
Nous voyons donc bien deux définition du bonheur se profiler et que nous retrouvons dans toute l’histoire de la philosophie notamment chez Platon. Pour ce philosophe de l’antiquité grecque, le bonheur véritable est celui de l’âme en tant qu’il faut se détacher du monde sensible qui en est la corruption. Le monde sensible, celui des plaisirs du corps est ce qui nous entraîne vers le mal (Cf. La République). Cette vision est certes peu compatible avec nos conceptions de vie actuelles mais elle pose la question de savoir s’il n’est pas nécessaire d’être heureux par la connaissance (sans pour autant être savant) pour être véritablement heureux par les plaisirs du corps. Le bonheur combinant ces deux aspects n’est-il pas plus véritable que celui de nos stratégies de pouvoir ? Et comme vous pouvez le constater il n’est pas absolument nécessaire d’être érudit pour accéder à cette forme de bien-être. Cet article même ne présente que des éléments simples de culture que nous sommes en grande majorité capable de posséder. Ce ne sont finalement que des rudiments d’histoire, d’histoire de la philosophie qui peuvent se vérifier, s’illustrer et se comprendre davantage par des éléments d’histoire tels qu’ils peuvent être enseigné au lycée. Nous revenons à notre question de départ. Réduire les scientifiques à la pratique de la science, c’est empêcher davantage encore de pouvoir sortir de nos erreurs actuelles justifiées à tort par ce processus d’amélioration du bonheur. Car l’histoire est un élément capital dans une démarche de correction de cette erreur et cet article même est la preuve de ce que j’avance. Ne pas s’intéresser à l’histoire c’est se placer dans l’action, dans l’instant, c’est s’empêcher de prendre du recule, de réfléchir.
Et je ne veux pas simplement dire qu’il faut laisser l’enseignement obligatoire de l’histoire-géographie au lycée, ce serait presque facile et réducteur face à l’enjeu que je viens de développer. La solution est plus vaste encore et nous en avons tous les moyens. Il faut s’intéresser au savoir, analyser les objets de réflexion et de débat tel que je viens de le faire dans la rédaction de cet article. Et pour cela il n’est pas absolument nécessaire de faire de hautes études. Il faut s’intéresser à l’histoire ce que l’on critique, il faut se demander si ce que l’on nous dit est bien fondé, écouter ceux qui nous parlent même si l’on est pas forcément en accord avec ce qui nous est dit ou si ce qui est dit est déplaisant. Et cela se fait sur la duré. C’est comme tisser une toile. Il y a une trame puis on l’affine jusqu’à ce que plus rien ne puisse nous échapper. On se rend compte ainsi de ce qui nous entoure à la différence que nous pouvons nous entraider pour la construire, en transmettant nos savoirs, nos analyses et c’est ce que je tiens à faire notamment au travers de mes articles. Et cette toile n’est rien d’autre que du savoir et sa géométrie en est la méthode, la structure. Plus notre mémoire sera organisé et plus elle sera efficace pour saisir et comprendre le monde qui nous entour pour agir et surtout bien agir. Cette organisation, cette structure est la réflexion. Car nous pouvons construire cette toile à chaque instant, nous nous construisons donc à chaque instant et nous agissons en fonctions de cette structure, de ce que nous savons. Vous voyez donc l’importance que peut avoir un fait tel que la suppression de cette matière qui apparaît presque anodin face à l’ampleur de l’enjeu auquel il participe. Alors que d’autres faits plus important d’apparence tel que les pandémies, les crises et autres vacarmes de l’actualité ne sont que le reflet de l’erreur dans laquelle les stratégies politiques nous poussent et qui ne nous apportent rien quant à une solution d’amélioration de nos conditions. L’information n’est pas la base d’une connaissance. Stoppons cette stratégie, non pas à travers une action unique mais dans le temps. Car le savoir n’est pas celui d’un instant. La savoir se construit tout comme l’esprit critique ou encore et surtout la faculté de bien agir. Rappelons-nous la définition d’éduquer : développer les facultés humaines. Une faculté est la possibilité d’agir. Si je sais ce qu’est le bien, je peux bien agir. Et nous agissons aujourd’hui sur nos vies mais aussi sur celles des générations avenir, elles qui ne peuvent pas parler, agir, réagir ou donner leur avis. C’est en cela, en cet enjeu qu’il nous faut être très prudent dans nos actions.
Ainsi, personne ne peut rester insensible à cet enjeu et nous devons tous nous intéresser et nous sentir concerné par ces problème et la connaissance qu’ils nous apporte tant bien même que les stratégies politiques peuvent plus ou moins subtilement laisser entendre le contraire.

Je vous invite donc à lire les deux articles que j’ai cité et à vous intéresser régulièrement à ce qui nous entoure, à ce qui est anodin comme ce qui ne l’est pas, à essayer de différencier, de comparer, de critiquer. J’aurai aimé développer davantage l’argumentation que je viens de vous présenter mais je ne voulais pas susciter de désintérêt en présentant une lecture longue et complexe. Cependant il est possible de me poser des questions, de me demander des précisions ou même de faire l’analyse d’autres points comme celui de la suppression de l’histoire-géographie comme je viens de le faire. Je suis entièrement disponible pour calmer cette normalisation effrénée et trop peu justifiée ainsi que pour éclairer ceux qui le souhaite de la force scientifique que possède la philosophie dans l’exercice particulier qu’elle a de la pensée. Il ne s’agit pas de vous effrayer mais d’appliquer les conseils que je me donne à moi-même, c’est-à-dire s’entre-aider et communiquer. Je crie donc simplement cette stratégie normalisatrice illégitime et prône un savoir unifié, responsable et à la porté de tous.

L. Matéo

Pour aller plus loin :

M.Foucault, Histoire la sexualité, Tome I, La volonté de savoir.
H.Bergson, La pensée et le mouvant.
E.Kant, Fondement de la métaphysique des moeurs.
Platon, La République, Le Gorgias.
Epicure, Lettres et Sentences vaticanes.

Articles rubrique « Philopure »:
« Peut-on réduire le vivant à une machine ? »
« Foucault et les bio-pouvoir »
« Kant et la morale »

Liens internet :

http://www.marianne2.fr/Exclusif-Chatel-veut-supprimer-l-histoire-geo-en-terminale-S_a182876.html

http://www.lepartidegauche.fr/editos/actualites/1074-fin-de-lhistoire-geographie-en-terminale–la-peur-du-citoyen

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