Le Bac Philosophie : Programme des notions

L’histoire : Entre vécu et récit : Troisième partie et conclusion : « Qu’est-ce qu’un fait historique? »

Troisième partie : « Qu’est-ce qu’un fait historique ? »

Sommaire :

A. Fait et fait historique

B. L’histoire a-t-elle un sens ?

C. Critique de la position rationaliste : l’historicisme

Conclusion générale 

 

A. Fait et fait historique

Tout événement n’est pas nécessairement historique. Seuls ceux qui enveloppent une collectivité et qui y ont des conséquences sont historiques et ce sont les évènements historiques qui font les faits.

Un fait est donc un événement historique dont on saisit la cause et en même temps les conséquences. Alors que par définition l’évènement (du latin venire, ce qui surgit) ne dure pas. L’évènement historique intellectualisé par l’historien acquiert une durée et devient un fait. L’historien intellectualise les évènements historiques et à partir d’eux construit les faits caractéristiques de la succession ou du déroulement des faits passés.

De par le construction des faits il y a donc une fois de plus décalage entre le vécu et le récit du vécu pour trois raisons :

La première : L’historien a toujours tendance à surestimer le rôle du chef politique dans l’histoire. Ajoutons que l’on peut distinguer deux types d’acteur dans l’histoire : L’acteur politique (les chefs d’États etc.) et la population.

La seconde : Il faut distinguer en histoire la vérité de détail et la vérité d’ensemble. Ce n’est pas en accumulant une somme d’informations vraies sur une période (une vérité de détails), que l’on a pour autant une idée juste sur la période proprement dite, c’est-à-dire une véracité d’ensemble.

Cette distinction en « vérité de détail » et « vérité d’ensemble » se trouve dans l’Introduction à la philosophie critique de l’histoire de Aron.

Avec une accumulation de faits exacts on ne communique pas nécessairement une expression d’ensemble qui soit authentique.

La troisième : Enfin il existe une opposition assez claire entre la réalité qui est toujours plus ou moins chaotique, accidentelle, et l’ordre du récit qui se veut logique. Pour restituer à la science historique la continuité du devenir vécu, il faut que les évènements qui sont toujours des évènements isolés conservent assez de durée pour pouvoir devenir des faits intellectualisés pour les historiens, et mémorisés par le peuple.

La recherche des causes en histoire est précisément ce qui se substitue à l’impossible recherche des lois dans cette discipline. Par ce genre de recherche l’historien prépare finalement l’évènement. De même, la détermination des effets (des évènements) prolonge l’évènement.

En réalité l’historien cherche davantage à expliquer l’évolution jusqu’au présent que le passé pour lui-même.

L’historien finalement reconstruit le passé plus qu’il ne le reproduit. Il recréé des liens entre des fragments. Le passé est donc toujours fragmenté parce que les traces qu’il laisse, sous quelque forme que ce soit, ne peuvent être représentatives du continuum.

B. L’histoire a-t-elle un sens ?

La notion de de sens ou de signification possède elle-même deux signification. Le sens désigne d’abord l’orientation, la direction : l’histoire s’oriente-t-elle dans une direction précise (le progrès) ?

La seconde signification du sens revient à la valeur : l’histoire sert-elle à quelque chose ?

Deux théories philosophiques ont tenté de répondre à ces questions. Le philosophe Kant part des Idées d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique. Pour Kant ce ne serai pas les hommes qui ferait l’histoire mais ce serait la nature, sans que l’homme ne s’en rende compte. « Les hommes prient individuellement et même des peuples entiers ne songent guère qu’en poursuivant leur fin particulière en conformité avec leur désir personnel et souvent au préjudice d’autrui, conspire à leur insu au dessein de la nature. »

Kant constate que tout dans la nature est réglé par des lois et que rien ne se fait par hasard. À cet égard la nature serait totalement rationnelle. Il y aurait donc dans les activités humaines des fins prédéterminées par la nature. Il constate même qu’il est impossible de présupposer dans les conduites humaines, en tout cas parfois, le moindre dessein raisonnable ou rationnel et il faut par conséquent poser la rationalité hors de soi dans une instance supérieure à soi mais en même temps immanente, c’est-à-dire la nature.

La nature agirait donc à travers la part rationnelle qui est en soi. Ainsi pour Kant il reste à découvrir dans « le cours absurde des choses humaines un dessein de la nature ». Il remarque ainsi que la nature a besoin d’une lignée de génération où chacune transmet à la suivante ses lumières afin « d’amener dans notre espèce les germes naturels jusqu’au degré de développement pleinement conforme à ses dessein. »

En effet selon lui les dispositions naturelles qui visent à l’usage de la raison n’auraient pas reçu leur développement complet dans l’individu mais seulement dans l’espèce.

Remarque sur la définition de « raison » : Pour Kant « La raison dans une créature est le pouvoir d’entendre les règles et les desseins qui président à l’usage de toutes ces formes au-delà de l’instinct naturel. »

La raison est donc un pouvoir qui nous permet de dépasser notre instinct, d’atteindre nos buts et d’utiliser nos forces. Elle est toujours limitées dans l’individu mais pas dans l’espèce.

L’histoire devient donc celle de la nature à travers l’humanité. Par la raison qui définie son concept, l’histoire serait le seul moyen qui permette d’amener le progrès dans l’espèce humaine. Cela dit, en histoire, le progrès découle en réalité de la conflictualité, de l’antagonisme (antagonisme est synonyme de conflictuel, ce qui est en opposition à quelque chose). Kant parle « de l’insociable sociabilité des hommes ». L’homme a tendance à s’associer et à se détacher constamment. C’est ce mouvement qui fait la conflictualité et qui permet le progrès.

Aussi pour Kant « l’homme veut la concorde mais la nature sait mieux que lui ce qui est bon pour son espèce : elle veut la discorde. »

Pour la nature, jeter l’homme dans le travail, dans l’antagonisme et dans la peine, cela revient à l’écarter de la passivité, de l’inertie et cela revient à lui donner les moyens en retour de se libérer. La conflictualité serait donc le moteur du mouvement historique qui, au cours du temps, permettrait à la raison de libérer l’homme de ses passions.

La pensée de Hegel :

Pour Hegel, ce serait grâce à la raison et à la reconnaissance de la rationalité du monde que l’homme se développerait. Selon lui, dans le temps (au niveau de la conscience, de l’individu) et dans l’histoire (au niveau de la collectivité), l’homme serait sans cesse en quête de liberté.

La rationalité du monde serait cette quête de liberté. La conscience rechercherait cette liberté dans et par le temps. Hegel, dans La raison dans l’histoire explique que « La seule idée qu’apporte la philosophie est cette simple idée que la raison gouverne le monde et que par suite l’histoire universelle est rationnelle. »

Le concept intérieur de l’histoire serait cette quête de liberté qui une fois de plus fait rentrer l’homme dans la conflictualité qui n’est jamais selon lui qu’un moyen pour accomplir cette quête. Les passions sont donc une fois de plus les moyens qu’utilise l’histoire pour s’accomplir cette fois par usure. À force de s’exercer, les passions se détruisent et la raison apparaît sous la gangue (ce qui cerne un noyau) des passions.

Hegel parle de « ruse de la raison » qui utilise les passions pour les fatiguer. Il considère qu’il ne faut pas s’opposer aux passions mais au contraire les laisser s’exprimer parce qu’elles se fatigueront au cours du temps.

Il y aurait donc selon lui trois âges dans l’histoire, l’âge oriental où un seul homme seulement sait qu’il est libre, le despote, l’âge du monde greco-romain où quelques hommes savaient qu’ils étaient libres, et enfin l’âge du monde germanique où tous savent qu’ils sont libres avec la Révolution française.

Remarque : Pour Kant les passions sont le terreau de la raison et pour que la raison en germe puisse produire ses fruits, il faut lui donner le temps de germer.

Marx, lecteur de Hegel fera de la violence la sage-femme de l’histoire. Cela signifie donc une fois de plus que les passions feraient l’histoire parce qu’elles seraient plus importantes, par ce que les intérêts (privés et particuliers) seraient plus importants que le soucis du bien collectif. Un des problèmes posés à toute société est toujours celui de la compatibilité entre les intérêts privés et les intérêts généraux.

C. Critique de la position rationaliste : l’historicisme

Le logicien Karl Popper explique que l’histoire serait commandée et déterminée par des forces irrésistibles auxquelles les hommes seraient soumis. Deux historiens allemands, Meinecke et Troeltsch ont critiqué cette idée selon laquelle la raison serait l’étalon qui permettrait d’expliquer globalement le mouvement historique. Selon eux l’histoire se définirait par une diversité fondamentales des époques et des sociétés, voire même au sein de chaque époque. Le devenir humain serait créateur d’une diversité et une des conséquences de cette interprétation du pluralisme serait un relativisme des valeurs. La raison ne serait donc pas une valeur universelle. Toute culture ne peut être évaluée par cette unique norme. Ce serait même introduire des considération erronées que de tout juger par le concept de raison en étudiant l’histoire.

Conclusion générale :

D’une façon générale on ne peut donc pas mesurer les cultures par ce seul concept de raison ce qui impliquerait une hiérarchie entre les peuples. Sans doute la visions des Lumières s’inscrit-elle aussi dans une tentative de refondation plus scientifique de l’histoire, ce qui serait possible si l’histoire était totalement rationnelle. En effet, pour qu’une explication soit scientifique il faut que la relation entre les évènements puisse être déduite d’une proposition générale. Or les évènements historiques ne le permettent pas. Les évènements humains comportent des références à des motifs ou à des intentions qui font que l’explication ne peut être scientifique mais objet d’interprétation. L’histoire est une discipline d’interprétation qui cherche à donner sens à l’implicite plus qu’à l’explicite.

Des méthodes originelles de la « science » historique

HÉRODOTE (-480, -420)

Pour ce qui est des sources, Hérodote dans Histoires fut le premier historien des guerres médiques et de la Guerre du Péloponnèse.

Sa méthode consiste à dire « ce que j’ai vu, su par soi-même, appris par mes recherches. » Il s’agit de dire selon ce qu’en ont dit ceux de la culture étudiée, les Égyptiens par exemple. Il s’agit de penser l’autre, le lointain, le différent :

si (a) représente sa culture (Hérodote est grec) ;

si (b) représente la culture étrangère (les Égyptiens par exemple) ;

alors

I/ Marquer les oppositions terme à terme des civilisations : (b) (a)

II/ Comparer, pratiquer l’analogie, afin de ramener l’autre au même : ainsi (b) est à l’origine de (a) : par exemple pour les Dieux, ceux de l’Égypte sont à l’origine de ceux des grecs (Dionysos).

III/ Traduire. Par exemple les noms propres, afin de les ramener à l’imaginable : Xerxès = le guerrier.

IV/ Décrire inventorier.

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